Aviation de montagne:  J’ai volé avec lui  dans les Alpes françaises, sur Megeve pour être précis mais…  il y a déjà bien longtemps maintenant.

Quand j’ai retrouvé cette page d’ “Info Pilote” de l’époque,  les  souvenirs de ce superbe vol au-dessus des pics et sommets alpins avec  l’instructeur “Pilote de Montagne” – “Pilote de Glaciers” qu’était Henri GIRAUD me sont revenus en mémoire.

Mon ami Cub de l’aéroclub de Clermon-Ferrand un passionné “aviation de montagne” était aussi dans l’avion ce jour là.. C´était Tout une époque et une merveilleuse expérience. Cette page retrouvée, écrite à l’époque par ce grand Monsieur vaut bien plus qu’un simple article dans le blog de Globalzone du haut des cieux, il me pardonnera sans doute.

Voici l’Intégralité de ce texte rédigé par Henri GIRAUD – Instructeur Pilote de Glaciers

aviation de montagne

aviation de montagne

Il y a la même différence entre un pilote de plaine et un pilote de glacier qu’entre un mouton et un chamois. Quoique ayant tous les deux quatre pattes et deux oreilles, ce sont deux animaux de par leur biotope très différents dans leur aptitude et leurs comportements. Pour bien voler et atterrir en montagne, il vaut mieux bien sur avoir quelques notions solides de pilotage. Et à partir de là, être convaincu que ce n est pas difficile mais différent. L’Aviation, et spécialement l’aviation de montagne est une chose sérieuse, qui doit être digérée. L’inconscience se termine toujours par des drames effroyables. !

Le suisse Hermann GEIGER a eu le grand mérite de faire la synthèse de toutes les expériences. L’échec relatif de tous les pionniers a été de vouloir rechercher en altitude les conditions d’un atterrissage horizontal. Le général UDET sur le glacier de la Diavoletza ou bien le suisse DURAFOUR posant en 1921 un Caudron G3 au col de Dôme à 4230m. A de telles altitudes, la pression atmosphérique ayant diminuée de moitié les distances pour atterrir ou décoller sont suicidaires. Ainsi tous ces pilotes courageux prirent des photographies et en parlèrent pendant 30 ans…nullement tentés de recommencer. Hermann GEIGER a inventé aussi les skis amovibles en vol permettant de décoller et atterrir indifféremment sur skis ou sur roues dans la pente imitant ainsi les oiseaux. Cela permet d’avoir deux sources d’énergie : au décollage l’accélération est stupéfiante et à l atterrissage on a un très freinage provoquant une chute de la vitesse tel un skieur lâchant le remonte pente, l’arrêt est immédiat. La masse devient une alliée en toutes circonstances, permettant ainsi d’utiliser des terrains extrêmement courts. Les oiseaux volent bien, n’utilisant pas les aérodromes, se posent sur un fil électrique, mais n’arrivent du bas à grande vitesse, toutes ailes déployées et sous un très grands angle. L’atterrissage est instantané et a vitesse presque nulle, la portance et la trainée des ailes passent en une seconde par un maximum pour s’effondre instantanément. Encore aujourd’hui, les plus grands ingénieurs comme sans soute les hommes des cavernes, rêvent devant la merveille et le miracle qu’est l’aile d’un oiseau.

Il y a encore d’autres différences. Au décollage l avion qui glisse ou roule dans la pente voit la projection de son centre de gravité avancer vers la roue avant, l’alourdissant du nez, et d’autres part, en braquant les volets de courbure des l’alignement, on peut arracher l avion du sol en quelques dizaines de mètres et quelque fois instantanément si le vent est de face : tel un hélicoptère. Quand le mouvement est donné, il n y a pas de repentir possible, il est donc important avant de décoller ou d’atterrir de bien situer l’influence de chaque paramètre, qui aujourd’hui peuvent tous s’additionner en votre faveur et demain se retourner contre vous. Chaque décollage et atterrissage en altitude est donc un cas particulier, plein de pièges pour le profane. En effet, le poids du carburant et des passagers, la micro aérologie, la qualité de la neige, la glisse des skis, le pourcentage de le pente la forme, la largeur et la longueur des aérodromes sont très variables. Chacune des opérations suivantes : la visée, l’approche, l’impact et l’arrêt mettent en œuvre une somme de connaissances particulières, d’expérience et de sang froid. Il y a dans le vol de montagne les mêmes subtilités que dans la musique ou les lettres.

En 37 années d’instruction, j’ai forme près de mille pilotes qui eux m’ont appris beaucoup de choses : anticiper sur l’évènement et à redouter les impondérables. Jamais personne ne m’a entendu parler de danger en vol, mais de retour au sol : je suis un traumatisé du parking. J’ai vu deux milliards anciens de casse au sol, car l’avion est fait pour voler et non pour rouler ; au sol, c’est un monstre, tel un crocodile sur des échasses !…J ai appris aussi qu’il n y a pas de grands pilotes, ni de surhommes : L avion ne fait pas de sentiments, ne connait personne, il obéit seulement à des lois physiques élémentaires qui se confondent souvent avec le bon sens. Cela implique de ne rien faire par habitude et de se dire que quelle que soit son expérience, c’est toujours le dernier décollage ou atterrissage qui est important. Car pour mourir dans son lit de vieillesse, il faut d abord le désirer !…L avion est un moyen privilégié et idéal pour se déplacer, mais bien plus que cela, aussi un symbole de liberté et de grandeur ; on voit les choses avec recul et sous une autre dimension.

Ma carrière de pilote de glaciers a été très riche en aventures et restera peut être unique. Au début, seuil pendant 5 ans j’ai défriché une partie des problèmes :

  • Effectué 100 premières dans les Alpes, à toutes latitudes
  • Crée 34 terrains homologues
  • Déposé du matériel aux spéléologues et aux glaciologues
  • Déposé sur glaciers et par tous temps, 15000 skieurs
  • Fait survoler la montagne à des dizaines de milliers de passagers. J’ai pu ainsi rencontrer des gens exceptionnels qui m’ont fait partager leur joie et leur savoir.
  • Eté le témoin de drame effroyable comme l accident du Boeing d Air-India au sommet du mont blanc.
  • Pu ramener des glaciers, grâce à l avion et avant l’arrivée des hélicoptères 24 grands blesses.
  • Assisté à l’arrivée des premiers hélicoptères civils et militaires ; au début, quel gâchis !

50 hélicoptères et une centaine d’avions ont percuté la planète dans les Alpes et le massif du Mont-blanc. Victimes de câbles, du vent, du brouillard, de la neige mais le plus souvent d’une faute humaine. Personnellement j’ai perdu les deux ailes en plein vol à 200 kms heure par ma faute à 100%. Remontant tangentiellement le glacier Blanc a 3200 m dans la grisaille, l’aile à touché un bloc de glace ! Renaitre des entrailles du glacier est, je dois le dire une sensation très agréable ; heureusement exceptionnelle !…

En France depuis 20 ans, on atterrit en montagne et sur des glaciers. Mon seul mérite est d’avoir importé la méthode suisse et ce, malgré la Haute Administration qui au début n’y croyait pas. ! Il aura fallu que je dépose sur glacier à 3500 m, Robert BURON, Ministre des Transports, pour voir six mois après, la loi de 1963 autorisant l’ouverture des altiports et glaciers et créant la qualification de pilote de montagne. L’illégalité venait de prendre fin et une page enfin tournée. Je remercie la Gendarmerie Nationale et la Douane qui m’ont toujours honoré de leur confiance. Par contre ce que j ai reproché dans le passé à certains technocrates attardés, c ’est d’avoir coupé les asiles à l’enthousiasme des hommes pour en faire des pingouins qui ne peuvent plus voler !…

Je sais que, spécialement en France, nul ne peut être prophète en son pays. Je n’ai voulu être qu’un paysan de l’air. J’ai eu la chance toute ma vie de vivre libre et de côtoyer grandeur et beauté qui ont extirpé de moi à jamais toute vanité. Je suis fier d’avoir combattu pour une grande idée. Aujourd’hui, de nombreux aéro-clubs de montagne dispensent un enseignement excellent, soutenus par l’Association Française des Pilotes de Montagne, Présidée par Nano CHAPEL – instructeur, commandant de bord à Air France.

Tous s’accordent à reconnaitre que l’aviation de montagne est une aviation totale, réclamant de nombreuses connaissances et une grande maitrise du corps et de l’esprit.

C’est à des hommes comme Michel ZIEGLER, Pilote de ligne, instructeur montagne et fondateur d’Air Alpes que l’on doit presque tout. Il appartient à cette race qui fournit des généraux dont la gloire est d’avoir précédé l’armée !… Il a plus que mon Amitié, mon Estime.

Malheureusement, la France est un pays de vieux, qui se dépeuple, vérolée par une technocratie à la fois plus dangereusement intelligente et la plus rétrograde. Le parc des avions français à une moyenne d’âge de 13 ans ! De nombreux constructeurs ont plié bagage définitivement. Les prix des avions neufs et des pièces détachées éliminent tous les cardiaques ! La réglementation aéronautique appliquée aux bovins nous priverait de viande pendant un demi-siècle.

La civilisation est une maladie presque toujours mortelle (A.CARREL) et c’est vrai aussi : « qu’un pays fabriquant 340 sortes de fromages est un pays devenu ingouvernable ! »  (C. De GAULLE). Pourquoi la France a-t-elle élevé l’art de se détruire à la hauteur d’une institution ?…

L’Homme aujourd’hui vit dans une société ou tout s’oppose à l’esprit Pionnier et à la Poésie. A l’heure du cosmos, seule la partie aviation, telle que nous la pratiquons à le privilège de rester humaine.

En atterrissant au sommet du Mont-Blanc le 23 juin 1960 (record d’Europe d’atterrissage en altitude pour avion), j’ai voulu démontré que par l’intelligence et la volonté, l’homme pouvait maitriser tous les problèmes y compris l’impossible. C’est la frontière entre une technique consommée et le début de la « folie ».A la même seconde, une dizaine de conditions doivent être réunies, un grain de sable en travers et c’est la mort. J’ai appris aussi que le chemin est long entre l’école maternelle et l’ « Académie Française » …

Tout homme porte en lui un très grand pouvoir et d’immenses possibilités inexplorées. Nous mourrons presque tous ignorants !…

Arrivé à l’automne de ma carrière, je fais miennes ces pensées de mon ami Lionel TERRAY : «Je cherche à me pénétrer à jamais du flot de sensations qui m’assaillent. Je sais que pour le restant de ma vie, le souvenir de ces minutes sublimes, sera le trésor ou dans la tristesse, la laideur et la médiocrité du monde des hommes, je pourrais puiser un peu de lumière et de joie.»

Plus d’articles sur le blog de Globalzone. ..

aviation de montagne : Un article sur Megeve et 50 ans d’aviation

aviation de montagne - Robin DR 400aviation de montagne – Robin DR 400  / L’altiport de Megève fête 50 ans d’ aviation de montagne et rend ainsi hommage à une compagnie aujourd’hui disparue, Air Alpes, qui entre 1961 et 1978, assurait des lignes commerciales, jusqu’aux stations de ski de Courchevel, Méribel, puis Megève. C’est la création des premiers altiports de montagne, des premières déposes sur glacier pour les skieurs.

Après les pionniers comme Hermann Geiger qui ravitaille des refuges en avion léger ou encore Henri Giraud qui pose son Piper au sommet du Mont Blanc, des pilotes vont défricher le transport aérien au cœur des Alpes. aviation de montagne ,  aviation de montagne